Une fois n'est pas coutume, je vais commenter l'actualité.
J'imagine que le nom de Mamoudou Gassama est maintenant connu de tout le monde.
Pour
ceux qui débarquent, il s'agit de l'homme qui a escaladé une façade
d'immeuble pour venir en aide à un enfant en très fâcheuse posture.
L'histoire
aurait pu s'arrêter là (encore que...), mais le hasard a voulu que la
personne en question soit un sans papier d'origine Malienne.
C'est
ainsi que ce qui 10 ans auparavant aurait fait 4 lignes dans la
rubrique insolite d'un journal, ou 20 secondes dans une chronique télé
ou radio, se transforme aujourd'hui en affaire d'Etat.
Une
occasion en or d'observer via les différents commentateurs (dont je
fais partie, du coup) tout le prisme de notre société, se passionnant
pour ce fait divers.
Comment expliquer qu'il ait pris une telle ampleur ?
D'abord
la force de l'image, valant tous les témoins oculaires du monde.
L'exploit est immanquablement filmé et rapidement diffusé massivement
sur le net, rendant impossible qu'il ne passe inaperçu.
Les premiers à réagir, comme toujours, sont les internautes. Toujours prompts à s'emparer de l'actualité pour la transformer en memes
souvent hilarants, parfois de mauvais goût, mais qui ont, je le pense
sincèrement, l'excuse de l'innocence et de la légèreté. L'humour noir
n'est pas un crime, rappelons-le.
Viennent ensuite les haters, racistes
de tous poils qui s'en donnent à cœur joie pour commenter le style
d'escalade de l'individu. Je rappelle qu'il est noir de peau, pas besoin
de vous faire une description.
J'ai toujours été ébahi par la
décontraction avec laquelle certaines personnes peuvent tenir de tels
propos dans un espace public, alors même que la loi l'interdit
précisément.
Arrivent ensuite les complotistes, en
étonnante progression ces dernières années. Pour eux, c'est sans appel,
le coup monté est grossier, il s'agit à n'en pas douter d'une mise en
scène pour redorer le blason des étrangers. Je pourrais m'étendre
longuement sur l'essor de la théorie du complot (peut-être dans un autre
article qui sait), mais pour le moment je me contenterai de les
observer avec circonspection, mais quand même amusement (faute de
mieux).
Les suivants sont les médias évidemment, avec leur mots choisis :
Quand ils agressent une jeune femme, ce sont des migrants.
Quand ils sauvent un enfant, ce sont des sans papiers.
Mais dans ce cas, pas pour longtemps. Car le vrai game commence quand les politiques s'en mêlent.
Et ils le font toujours.
C'est
ainsi sans grande surprise notre Président, Emmanuel Macron, qui prend
les devants allant même jusqu'à inviter le héros à l'Elysée.
Verdict, Mamoudou Gassama va être naturalisé français et pouvoir intégrer les pompiers (son rêve).
Beau geste, belle conclusion, pour une belle histoire se dit-on.
Si Seulement.
Car ce petit geste, bien que somme toute mérité, entretien une idée de l'ascension sociale à mon sens malsaine.
En
effet, il est très simple de prendre l'auteur d'un acte exceptionnel en
exemple comme manière de dire "voyez les enfants, si vous faites un
truc de fou, vous pouvez vous insérer". En soit, le message est plutôt
positif, mais la réelle question qu'il occulte est :
Faut-il en arriver là pour obtenir un statut ?
Faut-il être un héros, commettre un acte exceptionnel pour espérer avoir une vie ?
Qu'en est-il des milliers (millions ?) de personnes qui ne savent pas escalader les immeubles ?
Est-ce vraiment ce modèle d'ascension sociale que nous voulons ?
Dans un featuring avec Grand Corps Malade, le slammeur John Pucc' Chocolat déclamait :
"Aviez-vous remarqué que l'ascenseur social est bloqué
Et qu'les experts ont bien mieux à faire que d'le réparer
Sur ma lancée j'devais poursuivre alors j'ai pris les escaliers
Mais à ma grande surprise, y'avait plus de marches après le premier palier"
Voir cet homme escalader cette
façade, m'a rappelé ces paroles. L'ascenseur social est tellement
bloqué que pour s'élever en statut, on doit aujourd'hui escalader des
immeubles.
Pour moi, l'affaire n'est ni un complot, ni un coup monté, c'est un
écran de fumée, l'arbre qui cache la forêt. Comme souvent, voire
toujours, aujourd'hui.
En résumé :
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